On nous a interviewé pour l'émission "Envoyé Spécial" sur les sondages, diffusé en Avril 2017!
En janvier dernier, j’ai été contacté par email par une journaliste préparant un reportage sur les sondages. Cette personne était en fait plus particulièrement intéressée par les sondages rémunérés et désirait en savoir plus à ce sujet.
Comme dans les bons-plans-de-la-toile, nous sommes des experts en sondages rémunérés , elle a naturellement contacté le webmaster du site (c’est-à-dire moi-même) pour avoir plus d’informations.
Après quelques échanges d’emails, nous avons convenu d’un rendez-vous téléphonique pendant lequel nous pourrions discuter plus facilement. J’ai appris plus tard que cette journaliste préparait un sujet pour le magazine "Envoyé Spécial" présenté par Elise Lucet, qui a été diffusé en début de soirée le 13 avril dernier sur France 2 et que j'ai depuis regardé (le lien ici).
Je trouve le reportage globalement assez bien fait mais la partie consacrée aux sondages rémunérés mérite selon moi quelques éclaircissements, d'où la rédaction de cet article. En fait, au téléphone, je n'étais pas d'accord avec les 2 points dont je discute ci-dessous et que j'ai retrouvé dans le reportage d'Envoyé Spécial.
Un reportage sur les sondages politiques, dont une partie consacrée à l'utilisation des sondages rémunérés
Au cours de ma conversation avec la journaliste, j’ai vite compris que c’était surtout les sondages politiques qui l'intéressaient et qu'elle remettait en cause leurs résultats, surtout lorsque ceux-ci sont obtenus via des instituts proposant de rémunérer les internautes y participant (c'est là qu'entre en jeu les "sondages rémunérés").
En cette période d’élection présidentielle, et parce que la fiabilité des sondages d'intention de vote a récemment été remise en cause (en témoignent par exemple l’élection surprise de Donald Trump aux Etats-Unis et les résultats inattendus des primaires de gauche et de droite en France), c’est un sujet qui effectivement paraissait pertinent.
La première partie du reportage d'Envoyé Spécial est celle qui nous intéresse plus particulièrement puisqu'il y est question des "méthodes des sondeurs", c'est-à-dire des moyens mis en oeuvre pour obtenir les résultats des sondages. En plus du démarchage téléphonique, l'utilisation des instituts rémunérant des internautes constitue la principale façon de réaliser des sondages.
Fait intéressant, au moment où la voix off a mentionné les mots "sondages rémunérés" et "Maximiles" (l'institut pris en exemple dans le reportage), les pages des bons-plans-de-la-toile correspondant à ces 2 mots clefs ont fait face à un pic de fréquentation que je n'ai compris que 2 semaines plus tard, lorsque j'ai vu que le reportage avait été diffusé.
Il s'agissait en fait d'internautes en train de visionner l'émission et cherchant ces mots sur google (et qui donc visitaient ensuite sur notre site )!
Selon le reportage (mais c'est également ce que me faisait comprendre la journaliste lorsque je l'avais au téléphone), l'utilisation de panels de sondeurs recevant une rémunération contre leur opinion fausse les résultats des sondages.
A vrai dire, je comprends au moins en partie le scepticisme de cette journaliste et il est vrai que l’on peut facilement trouver de quelles façons les résultats de ces sondages d’opinion politiques pourraient être biaisés.
Il existe selon moi deux biais évidents lorsque l’on demande aux gens leur opinion via des sondages rémunérés, mais je vais expliquer ci-dessous pourquoi cela ne modifie à mon avis pas les résultats des sondages:
1. D'après Envoyé Spécial, les panels de sondage en ligne ne représentent pas de façon homogène la population française:
VRAI, mais il existe des moyens de "redresser" les résultats
Premier biais: les personnes s’inscrivant à des instituts envoyant des sondages rémunérés ne représentent sûrement pas de façon homogène l’ensemble de la population française. Par exemple, des personnes ne maîtrisant pas ou peu internet (ou n’y ayant pas accès facilement) ou n’ayant tout simplement pas besoin de gagner de l’argent en répondant à des sondages, ne s’inscriront pas pour faire partie de ces instituts et seront donc peu représentés dans le panel de sondés.
Ce biais dans le recrutement des participants est une chose dont les instituts de sondages ont tout-à-fait conscience et les résultats des enquêtes font l’objet de corrections prenant en compte ce paramètre. L’une des façon de corriger ces résultats est par exemple de les "redresser" en attribuant à un sondé un "poids" selon qu’il corresponde plus ou moins bien à une catégorie socio-démographique précise. Il s’agit donc d’une façon de compenser les catégories sous-représentés par rapport aux autres.
Les résultats d'un sondage doivent également être redressés "politiquement": ils peuvent par exemple être modifiés de façon à compenser la sur-représentation d'un parti politique parmi le groupe de sondés. Autre exemple: un sondé peut déclarer, de façon parfois complètement inconsciente, vouloir voter pour un candidat mais finalement en choisir un autre lors du vote réel, en particulier si son choix est considéré comme mal vu (par exemple dans le cas d’un vote pour l'extrême droite). Ces redressements "politiques" sont effectués en se basant notamment sur les résultats de sondages précédents portant sur des élections passées et comparés aux résultats réels de celles-ci.
Ces techniques de "redressement" sont d'ailleurs mentionnés dans la partie 3 du reportage: "La Cuisine des sondeurs". Dans cette partie, il est insinué que les instituts de sondages modifient comme bon leur semble les résultats bruts des enquêtes pour leur faire dire ce qu'ils veulent. Mais ces "redressement" ne sont selon moi que des corrections réellement basées sur l'expérience des instituts et nécessaires pour que les résultats soient le plus représentatifs possible de la réalité des choses.
Bien sûr ces "redressements" sont tout de même approximatifs mais leurs existences prouvent bien que les instituts de sondages sont conscients que des biais dans le recrutement des sondés doivent être corrigés.
2. D'après Envoyé Spécial, certains sondés répondent n'importe quoi dans le but de gagner + d'argent:
VRAI, mais ils ne modifient pas les résultats des sondages
L’autre préoccupation de la journaliste portait sur l'honnêteté de certains sondés et donc sur la fiabilité de leurs réponses. En particulier, elle avait recueilli le témoignage d’une personne disant avoir créé des profils différents sur plusieurs instituts de sondage et répondre quasi aléatoirement aux enquêtes qu’elle recevait. Le but avoué était de répondre à un maximum de sondages différents et ainsi toucher plus d’argent. J'ai appris en regardant le reportage que la journaliste faisait en fait référence à Quentin, 19 ans, définit comme étant un "menteur professionnel" !
Je suis sûr que ce type de panéliste existe, mais je suis également sûr que ces personnes ne peuvent influencer significativement les résultats d’un sondage.
Et ce pour 2 principales raisons:
1. Tout d’abord, à court terme, personne ne tiendrait plus de quelques jours à remplir des sondages les un après les autres dans l’espoir de toucher plus d’argent. Si certaines personnes essayaient de tricher en créant plusieurs comptes pour recevoir davantage de sondages et toucher plus d’argent, je parie qu’elles déchanteraient rapidement et abandonneraient au bout de quelques jours devant le caractère rébarbatif de la tâche. Selon moi, la personne décrite par la journaliste ne représente qu’une infime partie des panélistes rémunérés, infime partie qui ne serait pas capable de modifier les résultats d’un sondage.
2. De plus, il ne faut pas sous-estimer la faculté avec laquelle les instituts de sondage parviennent à recouper les informations et corriger les résultats des sondages qu’ils envoient.
Il y a fort à parier que ces instituts parviennent à deviner si un sondé est honnête ou non en fonction des réponses données: celles-ci se contredisent-elles? Ou contredisent-elles les réponses d’un sondage précédent ou bien les informations que le sondé a renseigné dans son profil au moment de son inscription?
Si le sondé a rempli aléatoirement l’enquête pour aller le plus vite possible, a t-il vu la question piège destinée à tester son attention (et nous expliquons ici que ce type de question existe!).
Il doit exister de nombreux autres paramètres pris en compte par les instituts de sondages pour estimer le sérieux de ses membres (comme le temps de réponse à un sondage par exemple).
En fait, je pense qu’un sondage suspecté d'avoir été rempli au hasard serait écarté des résultats finaux!
Finalement, les instituts de sondage avaient vu juste!
Au final, alors que la critique du reportage de France 2 portait sur le manque de fiabilité des sondages d’intention de vote, il s’avère que ceux-ci ont finalement assez bien prédit les résultats à l’insu du premier tour de la présidentielle 2017.
Il est vrai qu'après l'échec des instituts de sondage à prédire les résultats de l’élection présidentielle américaine, du brexit et des primaires françaises, ceux-ci étaient attendus au tournant et ont dû faire en sorte d'améliorer la précision de leurs prédictions, en élargissant par exemple le nombre de sondés.
Alors, le reportage d'Envoyé Spécial était-il trop alarmiste? Ou peut-être que la remise en question de la fiabilité des instituts de sondage par celui-ci a contribué à cette amélioration? Je vous laisse juger.
Au sujet du reste du reportage qui ne concerne plus les bons-plans-de-la-toile, je trouve personnellement les sujets abordés intéressants et pertinents, notamment les façons:
- dont la formulation des questions des sondages peuvent modifier leurs résultats
- dont les sondages modifient l'issu d'une élection
- dont les politiciens abusent des sondages
Si vous êtes intéressé par le visionnage de ce reportage, je remets le lien le lien ici. Voici également un article intéressant sur le fonctionnement des sondages et dont la lecture m'a aidé.